samedi

coupables et victimes !


Adib Abdesselam
Reporters Sans Limites

Prostitution

Quel que soit le mode de traitement de la prostitution dans différents pays, il n'en reste pas moins que l'autre, le(la) prostitué(e) reste considéré(e) comme une marchandise et non comme une personne. Où est la notion de « dignité » humaine dans cette conception ?

La prostitution est le carrefour de toutes nos ambiguïtés et de toutes nos contradictions. En tant que maçon travaillant au progrès de l'Humanité, comment pourrait-on cautionner ou même tolérer un système basé sur l'exploitation de l'être humain ? Pourquoi la prostitution serait-elle considérée comme une fatalité ? Après tout, l'esclavage ou l'apartheid étaient du même registre néanmoins on en est venu à bout d'une certaine façon. C'est même tout à notre honneur qu'en 1848, un maçon, Victor Schoelcher ait été à l'initiative de l'abolition de l'esclavage. Deux catégories de prostitution cohabitent :

la prostitution subie qui est classée dans la catégorie traite des êtres humains depuis la Convention des Nations Unies de 1949. Elle est clairement définie et la plus réprimée à cause des nombreux enfants pris dans le système. Mais la démarche se révèle complexe car il est difficile de pénaliser des personnes prostituées qui ne peuvent être à la fois coupables et victimes !

la prostitution dite libre qui découle d'une démarche personnelle - mais parfois pas entièrement voulue car souvent « nécessité fait loi » - en tout cas assumée. Il faut savoir que non seulement la prostitution n'est pas interdite en France - ni dans les autres pays européens d'ailleurs - mais elle n'est même pas définie ! N'étant pas interdite, on peut légitimement considérer que tout être humain qui ne porte pas atteinte à l'ordre public a le droit de disposer librement de sa personne et éventuellement d'être rétribué en échange.
L'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen spécifie que :
« Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. » Donc, si le phénomène persiste c'est qu'il est alimenté par une demande ... Si la prostitution n'est pas interdite et si elle correspond à une demande, quelle place lui affecter ? Dans quel cadre la situer ?

Notre position devient dès lors complexe : la prostitution n'est pas interdite mais personne n'en veut ni sur son trottoir, ni dans son quartier, ni dans sa ville, personne ne veut en entendre parler !

La prostitution un thème tabou

De la prostitution, on a coutume de dire qu'elle est « le plus vieux métier du monde ». Mais peut-on raisonnablement dire que c'est un métier ? Dans les six colonnes de métiers que fournit le Robert, ne figurent ni prostituée ni péripatéticienne. Il faut donc en conclure que le plus vieux métier du monde n'a aucune reconnaissance sociale ! De fait, reconnaître la prostitution serait l'institutionnaliser : [2] les proxénètes deviendraient alors des employeurs comme les autres. C'est pourtant ce que souhaitent les prostituées arguant du fait qu'elles paient des impôts et qu'elles ont besoin d'une protection contre la violence du milieu. En dépit de nos contradictions, de nos craintes et de nos atermoiements, il existe cependant trois manières possibles d'appréhender la prostitution dans un cadre juridique :

le prohibitionnisme qui incrimine la prostitution et en sanctionne tous les acteurs : y compris en amont les proxénètes et en aval les clients.
Aucun pays européen ne le met en pratique, la prostitution n'est pas sanctionnée.

le réglementarisme qui reconnaît la prostitution comme un fait de société.

Les États qui l'ont adopté mettent en place un système administratif permettant de contrôler l'activité des prostituées1. Elle y ont le statut de travailleur indépendant, paient des impôts, ont droit à une protection sociale et judiciaire. Toutefois, ce système ne règle pas tous les problèmes : la population clandestine et sans papier est laissée en marge. En outre, sur le plan moral cela ne satisfait pas ceux qui estiment que, ainsi, les proxénètes peuvent toucher leurs revenus en toute impunité, quand bien même le proxénétisme demeurerait interdit.

l'abolitionnisme qui tolère l'exercice de la prostitution à condition que soient respectés le libre consentement de la personne et l'ordre public. La France s'inscrit dans cette démarche. Toujours en vigueur, l'article 625.8 du Code pénal punit le racolage dit actif. Pourquoi alors parler de démarche abolitionniste ? La loi de Sécurité intérieure du 18 mars 2003, à l'initiative de Nicolas Sarkozy, précise certains points. Elle sanctionne en amont, le proxénète, au centre, la prostituée pour racolage actif et passif confondus et en aval, le client. Il ne s'agit plus seulement de protéger la personne contre une prostitution forcée - un article est prévu pour ça - mais de protéger la société dans son ensemble en entravant l'exercice de la prostitution-nuisance.
D'où la question « qui veut-on effectivement protéger ? » Les prostituées prises dans un système assimilable à l'esclavage ou la société qui ne veut pas prendre en compte un versant plus sombre de son identité ? Aborder le problème de la prostitution sous l'aspect moral est à coup sûr la pire façon de le faire. En effet, porter d'emblée un jugement sur la prostitution, voire, à l'américaine, le Bien d'un côté et le Mal de l'autre, les purs ici et les impurs là, reviendrait à ne pas essayer de comprendre la complexité du problème et les mécanismes aussi profonds qu'anciens qui le régissent.
Ceux qui se prostituent le font rarement par perversité, encore moins par vocation, plus souvent pour l'argent. Mais d'autres cas de figures se présentent : enfants victimes de viols, d'inceste, ayant peu d'estime de soi, finissant par se reconnaître une valeur marchande faute de mieux, victimes de la drogue,etc. Se procurer de l'argent rapidement et sans effort demeure quand même le nerf de la guerre. Dans une étude menée par deux sociologues sur la prostitution parisienne, les prostituées déclarent qu'elles gagnent en une journée ce qu'elles gagneraient en un mois en travaillant à l'usine où elles considèrent qu'elles seraient traitées comme des esclaves. Elles expliquent que pour gagner un salaire il faut sacrifier quelque chose en échange et que c'est leur corps qu'elles sacrifient.

L'autre versant c'est la demande

Solitude, misère sexuelle, handicaps en tous genres, ont la leur. Sur un plan psychologique, on sait que certains hommes n'arrivent pas à avoir une sexualité complète avec leur femme légitime en raison de la dichotomie entre la femme qu'ils respectent, la mère de leurs enfants et la partenaire. Avec une prostituée, ils peuvent - disent-ils - se laisser aller complètement et ce d'autant plus qu'ils la paient pour ça. Ce fut le thème d'un film italien « La maman ou la putain ». Dans ce contexte, aller voir une prostituée n'est pas considéré comme une infidélité mais une sorte d'exutoire. (Vieil héritage ancestral puisqu'au Moyen Age, l'Église encourageait et même fondait des bordels afin que les honnêtes filles ne soient pas inquiétées !) Pour d'autres hommes encore, il s'agit de ne pas avouer une homosexualité culpabilisante mais de la vivre en marge de leur vie de pères de famille.

Sur un plan personnel comment se vit la prostitution ? comment s'en accommode-t-on ?

On a entendu des déclarations tonitruantes de femmes ou d'hommes prostitués et fiers de l'être, à l'inverse, se trouve l'image presque caricaturale de la prostituée battue ou maltraitée, soumise à une violence perpétuelle. À mi-chemin de tout cela, où se situent l'intégrité de la personne et sa structure profonde ? D'un point de vue psychologique, on sait que la construction de l'image de soi, de l'image du corps est un pas vers l'individualité. Selon Françoise Dolto, l'image du corps est la synthèse vivante de nos expériences émotionnelles, elle est mémoire inconsciente de tout le vécu relationnel. L'image du corps se structure par la communication entre sujets. Or, dans la prostitution, le corps n'est pas sujet, il devient objet : la prostitution est la rencontre de deux objets, de deux égoïsmes et de deux solitudes. La prostituée vit cela de façon quasi schizophrénique ; elle est constituée de morceaux de corps tarifés, distribués dans un temps également morcelé.

Certaines ou certains préfèrent voir cela d'une façon différente : elles ou ils parlent de jouer comme dans une pièce de théâtre, de « mise en scène » de leur corps et d'arriver ainsi à rester « à l'extérieur », spectateurs d'eux-mêmes. Les droits fondamentaux de l'être humain sont le droit à la vie, à l'intégrité physique et psychique, le droit au respect de la vie privée, le droit à la liberté d'aller et venir, le droit à la dignité. Or, aucun de ces droits n'est respectés dans les pratiques prostitutionnelle et les trafics de personnes à des fins d'exploitations sexuelles ! Le débat demeure ouvert.

Nous appartenons à un Ordre qui défend des valeurs fortes de dignité, d'égalité et de solidarité, il nous appartient donc de promouvoir, à travers l'éducation, les débats des médias, des programmes d'éducation à la relation, à la tolérance et à la sexualité sans contraintes. Et s'il nous arrive de croiser des prostitué(e)s, regardons-les comme des femmes, des hommes, jeunes ou vieux, d'ici ou d'ailleurs, mais surtout, regardons-les comme des personnes !
1 C'est le cas des Pays-Bas, de la Belgique, de l'Allemagne.

harcèlement sexuel Stop

Reporters Sans Limites Samira KINANI
Harcèlement Moral Stop

Un outil de formation
sur le harcèlement sexuel
en milieu de travail

L'Action ontarienne contre la violence faite aux femmes lance "Changer les choses – Repenser le problème du harcèlement sexuel en milieu de travail", l'outil le plus à jour au Canada dans ce domaine.


À travers l'histoire de trois femmes –
Theresa Vince tuée en 1996 au magasin Sears de Chatham, Bonnie Robichaud qui a mené sa plainte de harcèlement sexuel jusqu'en Cour suprême et Sharon Chapman qui a eu gain de cause dans sa poursuite civile contre la compagnie 3M – des analyses et des réflexions amènent à mieux comprendre le harcèlement sexuel en milieu de travail et à chercher des solutions novatrices pour le faire connaître.


Réalisé en collaboration avec le
Centre for Research on Violence Against Women de l'université Western, Changer les choses pose un regard neuf sur un vieux problème. Tout en faisant le point sur la situation actuelle, la vidéo vise à sensibiliser, à faire comprendre le problème du harcèlement sexuel et à l'éliminer du milieu de travail.
Aux témoignages touchants de personnes qui ont vécu du harcèlement sexuel en milieu de travail et de leurs proches s'intègrent des commentaires très réalistes d'avocates, de syndicalistes, de chercheures et d'intervenantes qui non seulement définissent et analysent le problème du harcèlement sexuel en milieu de travail, mais proposent des façons d'aider les victimes et des moyens de prévenir le harcèlement.


Le guide propose des exercices tangibles et efficaces, des renseignements et des thèmes de discussion. Il suggère également des processus et du matériel d'animation permettant de créer un environnement positif favorisant le travail de groupe sur cette question cruciale, délicate et souvent émotive.

Outil de sensibilisation, de discussion et de formation, la trousse s'adresse à tous les partenaires du monde du travail : entreprises, syndicats, gestionnaires, travailleuses et travailleurs, gouvernements, établissements d'enseignement et de formation qui veulent agir efficacement pour créer un environnement de travail exempt de harcèlement sexuel.

Rappelons qu'au Canada, 43% des femmes ont déjà été harcelées au travail. Seulement 8% d'entre elles dénoncent le harcèlement dont elles sont victimes au travail.
13:38 dans